« A Bagdad, on fête encore les anniversaires, on improvise toujours des parties de foot entre amis. Mais, lorsque tout ça s’arrête et qu’on est seul face à soi-même, on retrouve cette angoisse qui naît au creux de l’estomac et monte dans tout le corps. Cette sensation ne pas trouver sa place. Cette urgence de tout recommencer. Ailleurs. C’est cette réalité à laquelle la jeunesse irakienne est confrontée chaque jour que j’ai souhaité mettre en scène dans Last Seen. »
Chaque mois, la Maison des journalistes réunit ses journalistes, anciens ou actuels résidents, à l’occasion du Ciné-Club de la MDJ.
En février, c’est Last Seen, un court-métrage irakien, réalisé par Hassanein Khazaal, résident de la Maison des journalistes qui a été projeté.
En une dizaine de minutes, Khazaal dresse le portrait d’un jeune homme habitant Bagdad, visage de toute une génération, dont les semaines sont marquées par les manifestations incessantes contre le régime et qui, au fil du temps, ne sont porteuses que des espoirs déçus. Les anniversaires sont fêtés, le football égaye les après-midis entre amis mais, grâce aux mouvements d’une caméra qui se détache de plus en plus de ses sujets, Khazaal montre que le départ est déjà là, seule voie de sortie possible face à l’immobilisme d’un État où les puissants jouent au jeu mortifère des chaises musicales depuis la chute de Saddam Hussein. Le personnage principal du film , certes, court mais aucune euphorie, aucune excitation ne marque ce départ. Dépossédée de son destin, la jeunesse irakienne est jetée dans les abîmes de l’exil.
Last Seen rappelle que plus de 3 millions d’irakiens ont été forcés de migrer entre 2014 et 2015 et que plus de 2 000 d’entre eux sont morts noyés en mer selon l’Organisation Internationale pour les Migrations.
Un constat douloureux sur lequel les personnes présentes sont revenues au cours d’un débat organisé en présence du réalisateur Hassanein Khazaal et de son confrère Wareth Kwaish. De la situation politique et religieuse de l’Irak, à la question de la diffusion de ce film dans d’autres pays connaissant les mêmes problématiques, en passant par les difficultés de monter un projet cinématographique dans la société irakienne contemporaine, de nombreux échanges ont eu lieu entre les invités présents et les deux réalisateurs. Face à la situation que l’on connaît en Irak, aujourd’hui en Syrie, l’action artistique permet «de construire, de réaliser et d’offrir – a analysé en fin de débat une jeune invitée – à ceux qui n’ont pas de voix la possibilité de mettre des mots sur des sensations que nous ressentons tous, individuellement, dans des contextes différents. C’est cet espoir qui permettra, peut-être, de changer les choses».
L’occasion aussi pour Hassanein Khazaal de partager avec son auditoire ses projets futurs : la réalisation d’un documentaire sur un joueur de musique pris dans le piège de l’État islamique à Mossoul.