RENVOYÉ SPÉCIAL : PREMIÈRE JOURNÉE D’ÉTUDE À LA MDJ

Mardi 12 mars 2019, la MDJ a accueilli la première journée d’étude Renvoyé spécial, un moment d’échange et questionnement consacré à une des missions phares de la MDJ : le programme Renvoyé Spécial, l’opération de sensibilisation menée conjointement avec différents partenaires depuis 2006, et qui consiste en plus de 100 rencontres par an où des journalistes exilés de la MDJ témoignent de leur expérience de professionnels de la presse persécutés dans leurs pays et sensibilisent l’opinion publique, notamment les jeunes, à la cause de la liberté de la presse et de la défense des valeurs démocratiques.

Pourquoi une journée d’étude dédiée à Renvoyé Spécial ?

L’introduction de Darline COTHIÈRE, directrice

Darline COTHIÈRE, directrice de la MDJ, a ouvert le planning de la journée en rappelant les objectifs de cet évènement : « Cela fait 13 ans depuis que cette opération a été lancée. A ce stade, il nous a donc paru important d’engager le dialogue avec les différents acteurs à savoir les journalistes, les partenaires, les enseignants et éducateurs ».
Renvoyé spécial a fortement évolué depuis sa mise en place. « Au tout début, – a fait le point la directrice – l’action était basée essentiellement sur le témoignage de journaliste exilé. Au fil de temps, nous nous sommes adaptés aux attentes des enseignants et au projet de chaque partenaire. Nous nous sommes adaptés également à l’environnement dans lequel se déploie nos actions et au contexte social de manière général. »
Les attentats de Charlie Hebdo ont marqué un tournant dans l’histoire de Renvoyé spécial. « On s’est rendu compte – a continué Darline Cothière – de l’importance de notre mission de sensibilisation au respect des valeurs fondamentales et citoyennes. On a fait face à un nombre incalculable de demandes d’intervention de la part d’enseignants, d’éducateurs dépassés par les événements et surtout par la prise de position des jeunes sur les attentats, sur la répression, la liberté de la presse et des libertés en général. Il a fallu donc renforcer – a expliqué la directrice de l’association – le dispositif pédagogique, insérer de nouvelles thématiques comme le vivre ensemble, la laïcité, la tolérance ».
La représentante de la MDJ a donc saisi cette occasion pour célébrer et reconnaître le rôle central de tous journalistes mobilisés dans le cadre de ce dispositif : « Et vous, nos Renvoyé spéciaux, – a déclaré Mme COTHIÈRE – avec votre parcours, vous êtes les mieux placés pour sensibiliser les jeunes au respect des valeurs fondamentales et citoyennes. C’est l’occasion pour nous de vous dire merci. Merci de contribuer à l’éducation des jeunes en France car c’est de cela qu’il s’agit. »

Cette année, le lundi 11 mars, le CLEMI a lancé à l’UNESCO la 30ème édition de la semaine de la presse et des médias à l’école. « Tous les participants – a rappelé la directrice de l’association de rue Cauchy – et principalement le ministre de l’éducation nationale ont insisté sur la nécessité d’éduquer les jeunes aux médias et sur la liberté de presse. Une façon de mieux préparer les citoyens de demain aux grands bouleversements de notre monde liés notamment à l’évolution du numérique. Je crois que vous tous ici présents vous êtes convaincus par cette nécessité. Avec vous, nous allons poursuivre nos objectifs. »

Lors de son introduction, Darline COTHIÈRE a donc tenu à rappeler les buts principaux de l’opération Renvoyé Spécial. Elle a notamment évoqué trois objectifs, en détails : « Le premier vise le renforcement du dispositif pédagogique. Il s’agit pour nous de permettre à nos journalistes de mieux faire passer leurs messages, de mieux s’adapter aux différents publics et de répondre aux attentes des enseignants et éducateurs par rapport à leur projet. Le deuxième est d’avoir un retour sur expérience de nos journalistes renvoyés spéciaux de manière à ajuster le dispositif. Le troisième objectif est de créer une synergie avec les différents partenaires de cette opération de manière à croiser les expériences et mutualiser les compétences. »
Darline COTHIÈRE a terminé son intervention avec un mot de remerciement adressé à tous ceux qui permettent la réalisation et le succès de ce projet : « Enfin – a-t-elle conclu -, je voulais tous vous remercier de votre mobilisation et de votre implication pour la réussite de Renvoyé spécial. En particulier nos partenaires : le CLEMI, les Ministères, la région. Mes remerciements vont aussi à Viola, la cheville ouvrière de cette opération qui assure la coordination avec efficacité. »

1ère séquence de la journée – LA PAROLE À L’ÉQUIPE 

13 ans de Renvoyé Spécial

Le bilan d’activité de Lisa Viola ROSSI, chargée de mission Communication et Sensibilisation

Après l’introduction de Mme COTHIÈRE, Lisa Viola ROSSI, chargée de mission Communication et Sensibilisation a pris la parole pour faire un point sur le bilan d’activité de ce programme que, depuis 2006, il a enregistré la mise en place de 13 éditions en collaboration avec le CLEMI (branche du Ministère de l’Education nationale dédiée à l’éducation aux médias) et, au fil des années, a tissu plus de 20 partenariats différents. «Alors qu’à l’origine – a rappelé la chargée de mission – le programme comptait 30 rencontres par an (entre novembre et mai), maintenant on enregistre plus de 110 rencontres par an (entre septembre et août). Entre mars et avril, la MDJ a un planning d’une quarantaine de rencontres en une vingtaine d’académies différentes. Dix rencontres sont prévues lors de Semaine de la presse et des médias dans l’École®, que cette année célébrera ses 30 ans.»

En 13 ans de programmation, l’opération a enregistré la participation de plus de 15 000 élèves et presque 400 journalistes (dont 1/ 3 femmes), en 3 langues principales d’intervention (50% en français, 40% anglais, 10% arabe, mais aussi : russe, kurde d’Iran, persan, turque… ). «Le programme est d’ailleurs de mieux en mieux couvert médiatiquement, à travers une campagne de communication stratégique, menée en collaboration avec les différents partenaires. »

Après avoir rappelé les objectifs et donné les chiffres de l’opération, la chargée de mission a rappelé les différentes déclinaisons du programme, ainsi que les collaborations exceptionnelles, mises en place dans les territoires d’Outremer, via Skype, en milieu fermé ou en club de prévention pour jeunes en (ou à risque) décrochage scolaire, ou bien dans le cadre de festivals ou événements de grande envergure, comme le Prix Bayeux, les Assises du journalisme de Tours et Tunis etc. «De plus en plus, la MDJ ouvre ses portes pour accueillir des groupes de jeunes et professionnels qui souhaitent rencontrer et échanger avec nos journalistes résidents et anciens résidents ; c’est une façon pour connaître de plus près, en nous rendant visite, notre association et ses missions. », a rappelé Lisa Viola ROSSI.

Une séquence du bilan a été également dédiée aux retours des participants, collectés tout au long de la dernière édition : des jeunes, des professionnels (professeurs, enseignants-documentalistes, des éducateurs PJJ, des référents laïcité, des partenaires…),et un moment a été consacré à la lecture des principaux titres recueillis dans la revue de presse du programme. Une presentation animée de la galerie photo de l’édition en cours (prochainement en ligne), a été d’ailleurs projetée.

«Fil rouge de la mise en place du programme ? La communication continue, en interne et en externe, qui est assurée à tout les niveaux de la mise en place du projet » a insisté la chargée Lisa Viola ROSSI, qui a ensuite présenté les cinq phases principales de la réalisation du programme, dans le détail :
1. la sélection des candidatures des différentes structures et établissements (réalisée en comités de pilotage spécialisés, selon des critères qui concernent notamment les projets d’encadrement des rencontres) ;

2. la préparation (du public et des intervenants) ;
3. l’organisation (logistique de l’intervention, sa communication en interne et en externe, notamment adressée aux médias) ;
4. le débriefing (bilan de la rencontre avec tous les participants) ;
5. la restitution publique, en ligne, sur le site de la MDJ et ses réseaux sociaux. L’intervention s’est conclue en résumant les points faibles et les points forts du programme, à la lumière des retours recueillis au fil des ans.

« Depuis toujours nous faisons face à 3 obstacles principaux : 1. Les moyens financiers réduits; 2. La préparation du public (nous ne pouvons pas communiquer les profils des intervenants avec un plus d’un mois d’avant) ; 3. Assurer la collecte systématique des retours. Mais les points forts – a déclaré Mme ROSSI – dépassent amplement les fragilités constatées. Renvoyé Spécial est un programme de rencontres, échanges et réflexions sous le signe de la liberté d’expression, le droit d’informer et d’être informé, le principe de laïcité et de la tolérance dont l’objectif est atteint : chaque rencontre arrive à ouvrir de nouveaux horizons d’exercice de la citoyenneté et de la démocratie, en encourageant le dialogue, une prise de conscience, un esprit critique, un engagement au nom du droit et du devoir de s’informer. Parce que chaque rencontre – a conclu la chargée de mission – représente un moment de contact unique et direct avec l’actualité, à travers un témoignage qui permet d’incarner des concepts souvent abstraits en favorisant une prise de conscience de l’importance de la liberté d’expression et de l’engagement citoyen. Les chiffres et les retours témoignent sans doute du succès de l’opération. »

Un programme en développement

Les perspectives d’évolution de Camille PEYSSARD-MIQUEAU, chargée de mission Recherche de fonds et Partenariats

Camille PEYSSARD-MIQUEAU, chargée de mission Recherche de fonds et Partenariats, a ensuite pris la parole pour faire illustrer la stratégie partenariale de la MDJ dans le champ de la sensibilisation : « Notre stratégie partenariale s’attache à remplir deux objectifs : rencontrer de nouveaux publics et répondre au mieux aux besoins de ces publics dans le cadre de leur territoire. Cet axe publics/territoires marque l’ensemble des partenariats que la Maison des journalistes a réalisé pour mener à bien Renvoyé Spécial depuis 2006.»

Les logos des partenaires de l’opération Renvoyé Spécial (galerie ci-dessous) :

2e séquence de la journée – LA PAROLE AUX JOURNALISTES INTERVENANTS

La deuxième partie de la journée a été ensuite dédiée aux réflexions des intervenants. Mandian SIDIBE, journaliste et présentateur radio d’origine guinéenne, a notamment souligné la nécessité d’adapter son discours aux différents publics rencontrés lors de ses interventions : «Pour me faire accepter par mes hôtes à la faveur de mes prestations comptant pour le programme Renvoyé Spécial de la Maison des journalistes, ma stratégie consiste à adapter mon discours au public d’en face. A chaque public, un discours approprié.» .

L’actuelle résidente du réseau Icorn à Paris, Nazeeha SAEED, journaliste bahreïni mobilisée dans le cadre des activités de la MDJ, a reconnu comme chaque rencontre représente une expérience pluridimensionnelle : « Le programme me donne la chance d’être en contact avec la jeunesse française et de briser la glace avec cette catégorie de la société française. J’ai d’ailleurs été étonnée par la quantité de connaissances, de culture et de sensibilisation que les jeunes que j’ai pu rencontrer ont sur les droits de l’homme et la politique. »

C’était en cette direction, mais en mettant l’accent sur le rôle de l’intervenant en tant que professionnel de l’information titulaire d’une expérience reconnue, qu’Yvette MUREKASABE, journaliste et présentatrice radio burundaise a continué : « Ce programme nous permet de retrouver un rôle social que l’exil nous a volé. Renvoyé Spécial permet de rester un peu ce que nous étions : journalistes ! Etre journaliste, ce n’est pas juste un métier, c’est une passion, une vocation. »

Sur ce point, Hicham MANSOURI, journaliste d’enquête marocain, a pris l’appui pour aller plus loin en focalisant l’attention de l’auditorium sur une nouvelle lecture du sens de Renvoyé Spécial : « Mes interventions dans le cadre de Renvoyé Spécial ont étaient très enrichissantes. Chaque rencontre me pousse à chercher plus loin, plus profond. Plus qu’un devoir, les programmes de la MDJ sont pour moi, et pour beaucoup de mes confrères, un besoin. Besoin de respirer, de partager et échanger. Il ne s’agit pas d’apprendre aux jeunes ce que c’est la liberté de la presse mais de les amener à percevoir les enjeux qui y sont adjacents (participation, démocratie, etc). Pour moi, il y a beaucoup mieux que l’intégration: la contribution. Contribuer à la société d’accueil est le meilleur moyen pour une vraie intégration. »

Christian NASCIMENTO, journaliste de la presse politique congolaise, a rebondi sur l’importance de la préparation de chaque intervention : « La préparation de la rencontre entre les deux parties prenantes (le journaliste et le participant) en amont et en avale est fondamentale, car à chaque public, son discours…! Il faudrait que la communication ou la présentation de journaliste soit cadré et correspond au niveau du public qui est en face de vous : « notre liberté dépend de la liberté de la presse » et elle ne saurait être limitée sans être perdue. »

La journaliste et JRI soudanaise, Mai OSMAN, a également souligné les « effets secondaires » positifs qu’une action de sensibilisation et information peut susciter au soutien de la cause des droits humains :

« Témoigner de ce qui se passe actuellement au Soudan, en ce qui concerne les violations continuelles de la liberté d’opinion et des libertés individuelles, et dénoncer le recours à la violence, jusqu’à la torture, contre les journalistes, les expatriés, les femmes, les enfants et les personnes âgées, c’est pour moi très important pour avoir une mobilisation à la solidarité de jeunes, les citoyens de demain».

A ce sujet, Mamoudou GAYE, professionnel de l’information mauritanien a voulu insister : « Renvoyé spécial nous permet de continuer notre travail journalistique dans notre pays d’accueil, mais aussi de tisser des liens dans nos zones intervention. »

Renvoyé Spécial est une action « gagnant-gagnant », comme l’expliqué Jean MATI, journaliste de la presse écrite congolaise, en exil en France depuis 7 ans et toujours mobilisé, depuis son arrivée à la MDJ, dans toutes les activités de sensibilisation : « La Maison des journalistes est avant tout une vitrine pour nous professionnels des médias vivant en exil. A travers l’opération Renvoyé Spécial, cette démarche rêvait une double signification.

D’une part, ce qu’on donne aux élèves durant nos interventions, ça veut dire, nous transmettons notre expérience des journalistes. Nous partageons également à ces jeunes les émotions du fait de notre vilaine existence du passé. D’autre part, de ce contact avec le monde des médias et milieux scolaires français jaillit la lueur d’espoir en nous, une sorte de réconfort. Ce qu’on reçoit en retour auprès des collégiens et lycéens, c’est le sentiment d’être écouté, considéré et estimé à sa juste valeur. Une telle consécration ne peut qu’être intéressante dans le processus de reconstruction personnelle ».

À le confirmer, avec une voix vibrante d’émotion, Gathy KAFUTI MPOLO, journaliste de la télévision congolaise, exilée depuis seulement quelque mois : « Partager mon parcours et mes peines en tant que journaliste de la République Démocratique du Congo devant les lycéens français, c’est l’un de plus précieux cadeaux que la Maison des journalistes m’a offert ».

3e séquence de la journée – LA PAROLE AUX PARTENAIRES

La troisième séquence de la journée a été consacrée aux retours des partenaires. A ouvrir cette partie de la rencontre, Choukri KOUAS, responsable du pôle Communication du CLEMI (Ministère de l’Education nationale) : « Nous sommes heureux et fiers au CLEMI d’avoir lancé et de porter avec la Maison des Journalistes le projet « Renvoyé Spécial » au sein des lycées en France avec une demande chaque année plus importante des enseignants. Quand les journalistes sont en danger, c’est la démocratie qui est en danger. La défense de la liberté de la presse fait partie de l’ADN même du CLEMI et « Renvoyé Spécial » permet de donner à cette mission une belle et nécessaire aura éducative. »

À prendre ensuite la parole en témoignant en tant que relais au niveau local, Marianne ACQUAVIVA, coordinatrice du CLEMI Paris, qui a souligné l’importance du travail de préparation du cadre d’accueil de chaque rencontre : « Notre mission de coordonnateur académique du CLEMI est de permettre à ce que les élèves soient le plus préparés possibles à une rencontre avec une personne qui non seulement parle peu le français, vient d’un pays très lointain à notre culture, est journaliste, mais aussi est exilée, a été parfois torturée, parfois s’est mise en danger pour l’information : autrement dit, tout à la fois une personne humaine et un héros. L’idée est de sensibiliser à la liberté de la presse et d’offrir à tous et toutes, élèves et journaliste, une vraie rencontre humaine ».

Le programme Renvoyé Spécial a lieu depuis plus de deux ans même dans différentes structures de la PJJ, en milieu ouvert et fermé. A mettre l’accent sur l’impact humain qu’une telle rencontre suscite dans les jeunes participant, Carole SABOUREAU, chargée des Politiques interministérielles et partenariales, culture et manifestations nationales du Ministère de la Justice, qui a mentionné un véritable « effet miroir », :« Renvoyé Spécial a une double action : sur le public de la PJJ, notamment en milieu fermé, car il interpelle réellement les journalistes intervenants, en encourageant la mise en place d’un effet miroir intéressant qui libère la parole des jeune. Mais on enregistre un impact de ce dispositif même pour les journalistes eux-mêmes : Renvoyé Spécial permet à ces journalistes de continuer d’exercer leur fonction (passion) de journalistes et leur permet de s’intégrer à ce nouveau pays, comme il a dit Hicham Mansouri : « C’est d’abord en contribuant pour ce pays, et notamment auprès des jeunes, que je peux m’intégrer ».

La journée s’est finalement terminée avec un repas partagé dans les salles de la MDJ.

Pour connaitre le calendrier des rencontres 2018-2019 : http://www.maisondesjournalistes.org/renvoye-special-calendrier-et-revue-de-presse-2018-2019/