LES JOURNALISTES DE LA MDJ À LA RENCONTRE DES MÉMOIRES MIGRATOIRE.

« Lorsque la Maison des Journalistes m’a proposé de visiter le musée de l’Histoire de l’Immigration, j’étais très curieuse de découvrir le parcours de l’histoire de la migration et de comprendre comment les premières traces des déplacements humains à travers le monde se manifestent. Étant moi-même née en tant que migrante et ayant vécu toute ma vie en tant que tel, à l’exception de quelques années passées en Afghanistan, j’ai toujours été intéressée par les recherches, les témoignages et les récits liés à la migration. »

 

Mariam ManaJournaliste afghane

C’est dans cet esprit de partage et de découverte que, le mercredi 18 décembre, à l’occasion de la Journée internationale des migrants, les journalistes de la Maison des journalistes ont eu l’opportunité de visiter le Musée national de l’Histoire de l’immigration. Cette sortie, hautement symbolique, leur a permis de plonger dans le riche passé du Palais de la Porte Dorée, édifié pour l’Exposition coloniale internationale de 1931.

Le musée propose une exposition permanente retraçant les grandes étapes de l’histoire migratoire en lien avec celle de la France, à travers un parcours chronologique en 11 dates clés. Parallèlement, les journalistes ont exploré une exposition temporaire intitulée Chaque vie a une histoire.

L’art comme témoin : des créations contemporaines pour revisiter le passé colonial

L’exposition temporaire s’articule en deux parties. La première, située dans les espaces du Palais, met en avant les œuvres de 13 artistes contemporains internationaux. À travers des installations, des sculptures et des dessins, ces artistes racontent l’histoire du Palais de la Porte Dorée et de ses visiteurs. Il s’agit d’un travail mémoriel.

“ Mémoire familiale des migrants et leurs périples, la mémoire historique du Palais lui-même, celle des personnes qui y ont travaillé ou y travaillent encore, ainsi que la mémoire oubliée des figures représentées dans son imposant décor”

Les journalistes ont pu admirer des œuvres inédites, comme celle du sculpteur togolais Kokou Ferdinand Makouvia, qui a conçu des colonnes en céramique sous forme de vases. À l’intérieur de chaque vase, il a intégré des feuilles de kpatima, une plante originaire d’Afrique de l’Ouest reconnue pour ses propriétés mystiques et thérapeutiques, diffusant ses vertus purificatrices à travers l’argile. Tout au long de l’exposition, les visiteurs sont invités à écrire des messages, lesquels sont ensuite brûlés. Les cendres issues de cette combustion sont utilisées pour fabriquer une encre servant à de nouveaux écrits, poursuivant ainsi un cycle de création et de réflexion.

A travers ces créations les artistes dialoguent avec l’esthétique et le passé de ce lieu, autrefois monument de propagande coloniale comme en témoigne la salle du Forum, située au cœur du Palais.

Cet espace a été conçu par les architectes Léon Jaussely et Albert Laprade pour accueillir des galas et des événements officiels lors de l’Exposition coloniale de 1931. Ornée de fresques monumentales couvrant plus de 600 m², réalisées par Pierre-Henri Étienne Ducos de la Haille, cette salle illustre “ l’apport de la France aux colonies.” Les fresques dépeignant des figures symboliques de la France, des populations colonisées et

colonisatrices, ainsi que des allégories telles que la justice, la paix ou la liberté, véhiculant les valeurs prétendument apportées par la France. Selon Constance Rivière, directrice générale du musée, cette exposition collaborative dévoile ainsi une dimension nouvelle de ce lieu “ où s’entrelacent les ombres, les rêves et les mémoires qui hantent encore les relations entre la France et ses anciennes colonies.

Redonner voix et visibilité : un parcours émouvant sur les invisibilités migratoires

Après cette introduction empreinte de poésie et de questionnements, l’exposition se poursuit à l’étage. Les journalistes y découvrent 200 œuvres issues des trois fonds du musée — art contemporain, histoire, témoignages et société — autour du thème de l’invisibilité. Cette collection offre une réflexion poignante sur les récits souvent effacés ou marginalisés de l’histoire migratoire.

Isabelle Renard, co-commissaire de l’exposition, explique : « Trois chapitres rythment le parcours. ‘Présence-absence’ évoque les départs et les manières de combler l’absence. ‘La vie au bord de la vie’ rappelle la précarité des conditions de vie de ces anonymes et figures de l’ombre. Le dernier chapitre, ‘Lever le voile, gonfler la voile’, aborde la solidarité, la fraternité et les mémoires retissées. »

Dans le deuxième chapitre, les journalistes ont, par exemple, admiré de nombreuses photographies documentant les logements rudimentaires des populations exilées en France. En représentant ces individus dans leur quotidien, les artistes cherchent à les sortir de l’ombre et à leur redonner visibilité et humanité.

Cette exploration visuelle et narrative des parcours migratoires, des conditions de vie parfois précaires s’inscrit dans une démarche plus large de l’exposition, qui met également en lumière les persécutions raciales et politiques ainsi que les exils forcés. Ce message a profondément résonné auprès des journalistes de la MDJ, dont l’une a partagé son ressenti : « Le Musée de l’Immigration a été l’un des lieux les plus marquants que j’ai visités à Paris, où la profondeur des émotions était palpable. Un endroit qui m’a profondément touchée. »

Martha Pulido Anzola

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© Martha Pulido Anzola