Journalistes exilés et photographes de Magnum Photos croisent leurs regards pour raconter des expériences très personnelles autour des notions d’exil, d’accueil, de répression, de résistance, de succès ou d’échec.
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Discours d’Annick Cojean, marraine de la promotion 2018, grand reporter au Monde, présidente du prix Albert Londres.
Mairie de Paris – 24 janvier 2018
Soirée organisée en l’honneur des journalistes exilés et réfugiés à la Maison des journalistes
Mesdames Messieurs, chers amis, un grand salut chaleureux à vous tous. Au fond, c’est essentiellement pour cela que nous sommes là. Pour vous accueillir amis du bout du monde. Pour vous dire bienvenue !
Pour vous dire que nous sommes solidaires. Que nous savons que vous avez lutté pour faire ce métier magnifique, celui d’informer vos concitoyens, envers et contre tout. Que vous avez payé très cher pour avoir exigé ou appliqué ce qui devrait être un droit élémentaire. Que vous avez risqué votre vie. Et que vous avez du prendre la route de l’exil certainement pas de gaieté de cœur. En laissant famille, amis, culture, environnement, maisons, repères…Enfance.
Pour vous dire que votre combat est le notre. Comme le bâillon qu’on a voulu vous imposer serait le notre, nous journalistes français, européens qui devons rester vigilants sur nos propres droits et libertés.
Qui devons continuer d’exiger le droit d’enquêter librement sur tous les sujets ; le droit d’interpeller nos élus, nos administrations, toutes les autorités ; le droit de mettre notre nez dans les entreprises, aussi puissantes soient-elles ; le droit d’enquêter sur les organisations religieuses, quelques soient la religion ; le droit de les mettre en cause s’il le faut, et de les dénoncer si des droits éléments élémentaires sont violés ; le droit d’être insolents, ingrats, de poser toutes les questions qui dérangent, de soulever ou bousculer tous les dossiers que certains voudraient mettre sous le tapis ; le droit, dirait Albert Londres, de «porter la plume dans la plaie». Bref, le droit d’être, à fond, journalistes.
Nous sommes le pays des droits humains. Oui, moi, je dis les droits humains. Ou les droits de la personne, si vous voulez. Vos traducteurs auront peut-être un peu de mal à vous expliquer ce point qui n’est pas un détail, et que les subtilités de la langue française ou de l’histoire française compliquent inutilement.
Car les institutions françaises persistent à parler des droits de l’Homme. «Homme» avec une majuscule. «Homme» pris dans un sens neutre et universel. «Homme» signifiant humanité. Comme en 1789 nous dit-on. C’est oublier qu’en 1789, il n’y avait pas de majuscule, et que les femmes n’avaient aucun droit. Alors en ces temps où, enfin, on se préoccupe un peu plus du sort des femmes, de leurs droits, de leur force, de leur oppression souvent, de leur apport si précieux, si indispensable et si mal reconnu à la société, je trouve utile de prêter attention au vocabulaire et de parler des droits de la personne, c’est-à-dire équitablement des hommes et des femmes.
Oui, vous êtes aussi dans un pays de l’égalité des droits entre les deux sexes. L’égalité proclamée ; reconnue et défendue par la loi, ce qui n’est pas toujours le cas dans certains pays d’où vous venez. Alors, s’il vous plait, considérez ce fait comme une chance, comme une libération.
Deux femmes parmi vous viennent d’Afghanistan, et je trouve merveilleux que dans ce pays qui souffre tant, et qui abrite aussi une société patriarcale et phallocrate, des femmes audacieuses aient choisi de faire ce métier. Chapeau bas! Six parmi vous viennent de Syrie, et l’on sait combien les femmes paient un lourd tribu à la guerre, et combien la menace du viol est omniprésente. L’un d’entre vous vient d’Iraq, une autre vient du Zimbabwe, un autre de Guinée, un autre de Mauritanie, un autre de Turquie. Dans tous ces pays, il est périlleux d’être journaliste. Et il ne fait pas bon être femme. La France, doublement, doit être un juste refuge.
Chers amis, je vous souhaite le meilleur lors de votre séjour parmi nous. Vous n’êtes pas seuls. La Maison des journalistes, cette merveilleuse institution, unique au monde, a l’expérience de l’accueil, et fera tout pour vous aider. Merci Darline, Christian, Alberic. Et puis nous autres, la communauté des journalistes, sommes là, en cas de problème, en cas de solitude, en cas de blues. Solidaires oui. Et c’est pour moi un honneur, sachez-le, d’être la marraine de votre promotion.
Ce 24 février, qui fait de vous des «citoyens» de Paris, est un jour joyeux. C’est symbolique bien sur. Mais cela compte et cela nous oblige.
Alors au nom des Parisiens – que dis-je ? Des bretons, des auvergnats, des provençaux, nous venons de tous les coins de l’hexagone – je vous dis bravo ! Courage ! Bienvenue !
Annick Cojean, marraine de la promotion 2018, grand reporter au journal Le Monde et présidente du prix Albert Londres – Darline Cothière, directrice de la Maison des Journalistes
RENVOYE SPECIAL : LA MDJ OUVRE SES PORTES A DES APPRENTIS JOURNALISTES
Les 25 et 26 janvier, la MDJ a ouvert ses portes pour deux journées de reportage à une classe de 4ème du Collège Jean-Baptiste Clément à Dugny et une classe de 4ème du collège Marie Curie des Lilas (académie de Créteil). Accompagnés de plusieurs de leurs professeurs, de Laura RONCA, chef du projet pour l’association Citoyenneté et Jeunesse et de Valérie ROHART, journaliste et organisatrice de ce projet, les élèves ont dans un premier temps visité les locaux de la MDJ, guidés par Margot FELLMANN, volontaire en Service Civique. Ils ont ensuite interviewé des journalistes hébergés par l’association, Mortaza BEBHOUDI d’Afghanistan (ancien résident), Thelma CHIKWANHA du Zimbabwe et un journaliste turc. D’autres élèves ont quant à eux rencontré Darline COTHIERE, directrice de la MDJ ainsi que Catherine MONNET, rédactrice en chef, et Paul COPPIN, responsable juridique de Reporters sans frontières.
Cette visite s’inscrit dans la réalisation d’un projet radio au sein des établissements qui participe à l’éducation aux médias de ces jeunes. Les élèves avaient préparé en avance ces interviews et ont ainsi mené les discussions de manière autonome. Pour Valérie ROHART : « Grâce à la richesse des interventions et témoignages, la Liberté d’Expression est devenue pour eux, autre chose qu’un concept flou, et/ou un privilège de journalistes et de dessinateurs. Ils ont compris, je pense, qu’il s’agit d’un bien commun fragile qu’il faut défendre. »
Les deux classes ont ensuite pris la direction du Palais de Justice de Paris, où elles ont assisté au procès contre Mediapart, L’Obs et Le Point, et deux ONG, Sherpa et ReAct, attaqués en diffamation par la holding luxembourgeoise Socfin, fortement liée au groupe Bolloré.
RENVOYE SPECIAL : MANDIAN SIDIBE, JOURNALISTE GUINEEN, RENCONTRE LES LYCEENS DE PANTIN
Le jeudi 25 janvier, le journaliste guinéen (Rep. de Guinée), Mandian Sidibe, a été accueilli au lycée Marcelin Berthelot de Pantin dans l’académie de Créteil. Dans le cadre de l’opération Renvoyé Spécial, il est intervenu auprès d’une trentaine d’élèves de seconde ainsi que plusieurs élèves allophones de l’établissement. Il a pu partager son parcours de journalistes et les raisons de son exils. Cet échange a également été l’occasion de sensibiliser les jeunes à la situation méconnue mais difficile de la République de Guinée. Monsieur SIDIBE s’est exprimé sur « la catastrophique gouvernance de Monsieur Alpha Condé, avec en toile de fond la violation récurrente des Droit de l’Homme, les persécutions subies par les journalistes, le bradage des mines, la tentative de modification de la Constitution […] », etc.
Le journaliste Mandian SIDIBE au lycée Berthelot de Pantin le 25 janvier 2018 Photo © Mandian Sidibe
Mandian SIDIBE, présentateur radio en Guinée, a ensuite été l’invité de la rédaction politique de la radio du lycée. Cette année, les lycéens réalisent en effet une série d’émissions radio sur le thème des migrations encadrés par leurs professeurs, mesdames Florence BARBIER et Béatrice BEONNEL.
Mandian SIDIBE interviewé par les lycées dans le cadre de leur projet radio sur le thème des Migrations. Photo © Mandian Sidibe
Les élèves ont eu l’occasion de réagir à cette rencontre. Voici quelques extraits :
« Je sais désormais beaucoup plus de choses sur ce qu’il se passe en Afrique et cela me permet de mieux comprendre mon pays, le Congo. »
» Je trouve qu’il y a trop peu de moyens mis en oeuvre pour donner de la visibilité aux journalistes en exil. »
« D’après moi, le rôle du journaliste c’est de rétablir la vérité sur la société où nous vivons. Il doit s’informer et informer les autres et leur donner la parole pour changer le monde. »
« La liberté de la presse est très importante car il y a des faits qui ne sont pas révélés alors qu’ils le devraient. »
« Les journalistes doivent dire et dénoncer ce qu’ils pensent de la société, la liberté de la presse est utile pour cela. »