Journalistes exilés et photographes de Magnum Photos croisent leurs regards pour raconter des expériences très personnelles autour des notions d’exil, d’accueil, de répression, de résistance, de succès ou d’échec.
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RENVOYE SPECIAL : LA JOURNALISTE BAHREINIE NAZEEHA SAEED AU LYCEE CHAMPLAIN DE CHENNEVIERES
Le lundi 5 février, Nazeeha SAEED, journaliste bahreïnie en exil, est intervenue dans le cadre de l’opération Renvoyé Spécial au lycée Samuel de Champlain de Chennevières-sur-Marne dans l’académie de Créteil pour témoigner de son parcours de journaliste exilé auprès d’une trentaine de lycéens. La journaliste, accompagnée de Lisa Viola ROSSI, chargée de communication et de sensibilisation et Margot FELLMANN, volontaire en Service Civique de la MDJ, a été reçue par les professeurs, mesdames Amélie DEPREZ et Marine LUCAS, ainsi que monsieur le proviseur Jean-Luc HERAUD.
Cette rencontre a été réalisée avec le soutien du CLEMI et de Presstalis, ainsi que celui de la Ville de Paris. Nazeeha SAEED est également la quatrième lauréate ICORN (International Cities of Refuge Network) accueillie par Paris, membre de ce réseau depuis 2011. Cette rencontre rentre également dans le cadre de Renvoyé Spécial Val-de-Marne subventionné par madame la Sénatrice Esther BENBASSA, inscrite au titre de la Réserve parlementaire au budget du Ministère de la Culture et est organisée en partenariat avec la Ville de Paris.
La journaliste bahreinie Nazeeha SAEED devant les élèves du lycée Champlain de Chennevières-sur-Marne le 6 février Photo © Margot Fellmann
Durant près de deux heures les élèves ont pu écouter puis échanger avec madame SAEED grâce à la traduction de madame DEPREZ, professeur d’anglais. Malgré la barrière de la langue, les jeunes ont posé leurs questions : des tortures subies au projets futurs, en passant pas les espoirs de retrouver sa famille et son pays, la journaliste a répondu sans détour. Difficile pourtant d’entrer dans les détails en présence de journalistes, car les souvenirs sont encore là, bien présents. Mais mettre des mots sur les violences subies est important. « Parfois quand on parle de torture, on imagine une gifle. Mais non, j’ai été battue, électrocutée… Et malgré la preuve médicale de ce que j’avais subi, la justice de mon pays a choisi de fermer les yeux » a-t-elle précisé. Nazeeha SAEED s’est vu refusée le renouvellement de sa carte de presse, puis elle a été interdite de voyager pour avoir exercé son métier sans autorisation du gouvernement. La fuite était pour elle synonyme de survie, mais aussi une condition nécessaire à la préservation de sa liberté d’expression.
Aujourd’hui, Nazeeha SAEED travaille à raconter son histoire, pour que son témoignage puisse faire progresser la liberté de la presse au Bahreïn. Elle a choisi de ne pas demander l’asile politique en France, car elle n’est pas prête, encore, à renoncer à son pays.
Nazeeha SAEED Photo © Margot Fellmann
Pourquoi est-il important de ramener ce témoignage dans un lycée ?
Renvoyé Spécial a pour objectif de permettre aux jeunes de prendre conscience de l’importance de se battre pour la liberté d’expression, que ce soit à travers le monde, au Bahreïn ou bien en France. Comme l’a relevé l’un d’entre eux, la MDJ a accueilli à plusieurs reprises des professionnels de l’information ressortissant de pays d’Europe du Sud et de l’Est. « La liberté d’expression et les journalistes ne sont pas en danger chez nous pourtant ! » a-t-il avancé. Ainsi, c’est l’occasion de rappeler des histoires comme celle de Daphne CARUNANA GALIZIA, journaliste maltaise, assassinée en octobre 2017, ou plus proche de nous, les attentats de Charlie Hebdo en janvier 2015.
Après la rencontre, les jeunes ont été invité à faire le bilan de cette rencontre :
« J’ai découvert un nouveau pays, un nouveau système politique et les risques énormes encourus par les journalistes bahreïnis. »
« C’est intéressant d’avoir l’opinion d’une personne en exil sans passer par des médias qui auraient pu modifier les informations. »
« La détermination de madame SAEED de continuer son métier est impressionnante. »
« Cela doit être dur d’arriver dans un pays qu’on ne connait pas, donc d’apprendre une nouvelle langue et de se faire des nouvelles connaissances. »
« Je me suis rendu compte que la liberté de la presse est très importante et qu’elle n’est pas donnée à tout le monde. »
« Ce qui m’a marqué c’est que la journaliste a été obligée de quitter son pays seulement pour des mots. »
« Ce témoignage nous montre que nous vivons dans de bonnes conditions contrairement à d’autres pays. »
« Je pense que ce n’est pas normal qu’il y ait aussi peu de liberté de la presse dans le monde et qu’aussi peu de journalistes puissent faire leur métier sans problème. »
« J’admire beaucoup les journalistes en exil, il ont beaucoup de courage et leur donne mon soutient. »
Revue de presse :
94citoyens.com, « Une journaliste réfugiée du Bahrein témoigne auprès des journalistes de Chennevières », publié le lundi 5 février par C.Dubois
leparisien.fr, « Chennevières : « Vous êtes vraiment chanceux de grandir dans ce pays », publié le mardi 6 février par Denis Courtine
Grande-Synthe : Convention nationale sur l’accueil et les migrations
Les 1er et 2 mars aura lieu la Convention nationale sur l’accueil et les migrations dans la ville de Grande-Synthe dans les Hauts-de-France. Plusieurs journalistes de la MDJ participeront à cet événement qui pose la question de l’accueil des réfugiés, une question qui s’impose dans le débat public et dans les réalités locales. La MDJ sera représentée dans ces débats par cinq journalistes en exil : Halgurd SAMAD (Kurdistan), Hicham MANSOURI, Abdessamad AIT AICHA (Maroc), Larbi GRAINE (Algérie), Makaila NGUEBLA (Tchad) et un journaliste turc. Ils incarneront les grands témoins des ateliers organisés durant la convention et partagerons leurs conclusions devant le grand public. Parmi les thématiques abordées : « (Re)penser les hospitalités », « Comment rassembler élu.e.s, citoyens et acteurs associatifs ? » ou encore « Entre la légalité et la légitimité à agir, comment assumer nos responsabilités collectives ? ».
La ville de Grande-Synthe au coeur de l’actualité ces dernières années a réuni de nombreuses associations et ONG pour échanger pendant deux jours avec notamment un panel important de personnalités : Anne Hidalgo (Maire de Paris), Benjamin Stora (Historien, Professeur et Président de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration), Pascal Brice (Directeur Gral de l’OFPRA), Eric Piolle (Maire de Grenoble), Frederic Leturque (Maire d’Arras), Pierre Laurent (Secrétaire national du PCF) mais également Benoit Hamon, Aurélien Taché (Député LREM), Michel Agier (Dir. d’études à l’EHESS), Rony Brauman (co-fondateur de MSF) , Cédric Herrou, ainsi que des représentants du HCR, de la Cimade, de MDM et des associations locales.
Autour de la convention sera proposée une programmation culturelle et artistique.
Inscription en ligne. Pour en savoir plus sur l’événement, cliquez ici.
Discours d’un journaliste anonyme, exilé et menacé de mort
Mairie de Paris – 24 janvier 2018
Soirée organisée en l’honneur des journalistes exilés et réfugiés à la Maison des journalistes
« Merci à la Maire Madame Anne Hidalgo, à son adjoint, monsieur Patrick Klugman, pour cette agréable soirée, merci à la Directrice de la Maison des Journalistes Madame Darline Cothiére et à tout l’équipe de la Maison Des Journalistes. Et merci beaucoup à tous les invitées d’être venus ici.
Je m’appelle G.B. Je suis journaliste et réalisateur turc.
Je suis aussi demandeur d’asile politique depuis un an et demi. Je suis accueilli par la Maison des Journalistes depuis près de 5 mois. Ce soir, je suis très honoré de parler au nom des 13 autres résidents actuels de la MDJ.
Certaines nuits, surtout pendant l’hiver, quand je marche dans les rues de Paris, je regarde les fenêtres des bâtiments où les lumières jaunes et chaudes sortent vers le noir des nuits froides. J’imagine les familles heureuses qui passent de temps ensemble chez eux.
Je pense à ma famille, à mes proches et à mes amis. Je pense à ces moments de bonheur quand vous êtes ensemble avec vos proches. Et puis je marche vers ma lumière jaune et chaleureuse à Paris, je marche vers « La Maison des journalistes ».
Peut-être que pour vous la MDJ est seulement une association mais pour moi, c’est chez moi. Ce lieu que nous appelons entre nous, la Maison. C’est aussi ici que j’ai repris mon activité de journaliste. C’est là que je me prépare pour une nouvelle vie en attendant mon statut. C’est ma lumière jaune et chaude contre l’obscurité de la dictature.
Aujourd’hui, nous vivons des temps difficiles. Aux Etats-Unis, le président appelle les journalistes des ‘ennemies du peuple’. Donald Trump utilise le concept de “fake news” pour discréditer les informations qui le critiquent. Même en France, sous la présidence d’Emmanuel Macron, l’État essaye de créer une loi pour limiter et pour déterminer les frontières du journalisme en utilisant ce concept. Pourtant, je pense que ce n’est pas du tout le rôle de l’État.
En Turquie, un dictateur qui s’appelle Recep Tayyip Erdogan a mis plus de 150 journalistes en prison depuis 2016. Et chaque jour, d’autres sont emprisonnés.
Il y a trois jours, la journaliste Nurcan Baysal a été placée en garde à vue simplement pour avoir écrit sur les réseaux sociaux : “je suis contre la guerre”. Elle voulait critiquer l’opération d’Afrin menée par la Turquie au nord-ouest de la Syrie.
A Malte, la journaliste d’investigation, Daphne Caruana Galizia, qui a révélé les ‘Malta Files’, a été assassinée le 16 octobre 2017. Comme ça, sans peine. Et vous connaissez très bien la situation en Russie, en Chine ou encore en Syrie à cause de la guerre civile et la terreur instaurée par DAECH…
En tant que personnes qui croient en la liberté d’expression, nous passons donc des jours difficiles, nous le savons mais nous n’avons pas peur. Notre courage est au moins aussi grand que la lâcheté de ceux qui veulent nous faire taire. Nous savons qu’il y a encore beaucoup de chose à faire pour un monde plus libre, égalitaire et fraternel. C’est pour cette raison que nous allons continuer à travailler sans relâche.
La MDJ est une association unique au monde. Mais avec les gens qui croient en la nécessité de la liberté d’expression pour la démocratie, je pense que d’autres maisons pourront se bâtir dans le monde entier. Par exemple, en Grèce, qui accueille aujourd’hui bien plus de réfugiés que la France. Ou bien en Italie, en Allemagne, ou encore au Canada et aux États-Unis.
Dans tous ces pays, il y a des journalistes qui ont fui des persécutions de régimes autoritaires. Ils sont en difficulté. Je pense que l’État et la société française sont assez sensibles et motivés pour élargir les actions merveilleuses de MDJ.
La Maison des Journalistes mérite d’être beaucoup plus connue sur la scène internationale.
Je vous remercie beaucoup pour votre attention. Je vous souhaite une bonne soirée et un futur avec la liberté d’expression. »