Le mardi 6 février, le lycée des métiers Montaleau de Sucy-en-Brie dans l’académie de Créteil a accuelli le journaliste marocain en exil Abdessamad AIT AICHA. Dans le cadre de l’opération Renvoyé Spécial, il a échangé avec la vingtaine d’élèves d’une classe de seconde Bac professionnel pendant près de 2 heures 30.

Interrogé, mis en examen et interdit de quitter le territoire, Abdessamad AIT AICHA a dû fuir son pays suite aux pressions subies alors qu’il formait des professionnels marocains aux techniques d’investigation notamment par le biais des nouvelles technologies et de l’application StoryMaker. Arrivé en France en janvier 2016.

Cette attente marque son quotidien à la Maison des journalistes. S’il a pu reprendre des études en communication à Paris, il est toujours difficile d’envisager le futur.

Pour préparer la rencontre avec Abdessamad AIT AICHA, les professeurs ont accompagné les lycéens dans un projet radio. Par groupe, ils ont réalisé plusieurs interviews audios avant la rencontre, puis une semaine plus tard afin de partager ce qu’ils retiennent de l’échange avec le journaliste.

Interview avant rencontre :

Interviews après rencontre :

Cette rencontre est organisée avec le soutien du CLEMI et de Presstalis et est subventionnée par la sénatrice Esther BENBASSA, inscrite au titre de la Réserve parlementaire au budget du Ministère de la Culture.

Après le temps d’échange, les avis des élèves ont été recueillis. Extraits :

« Abdesamad AIT AICHA a racnté des choses importantes et j’ai eu l’occasion d’en savoir un peu plus sur la situation actuelle du Maroc. »

« Dans une démocratie, on doit se sentir libre et la liberté de la presse permet de se sentir libre sans qu’il y ait de répercussions. »

« La situation est injuste car on les puni d’avoir pris la parole et d’avoir voulu changer les choses dans les pays. »

« On prend apprend énormément sur la politique étrangère et cela nous montre que le journalisme n’est pas toujours un métier simple. »

Revue de presse :

Le lundi 5 février, Nazeeha SAEED, journaliste bahreïnie en exil, est intervenue dans le cadre de l’opération Renvoyé Spécial au lycée Samuel de Champlain de Chennevières-sur-Marne dans l’académie de Créteil pour témoigner de son parcours de journaliste exilé auprès d’une trentaine de lycéens. La journaliste, accompagnée de Lisa Viola ROSSI, chargée de communication et de sensibilisation et Margot FELLMANN, volontaire en Service Civique de la MDJ, a été reçue par les professeurs, mesdames Amélie DEPREZ et Marine LUCAS, ainsi que monsieur le proviseur Jean-Luc HERAUD.

Cette rencontre a été réalisée avec le soutien du CLEMI et de Presstalis, ainsi que celui de la Ville de Paris. Nazeeha SAEED est également la quatrième lauréate ICORN (International Cities of Refuge Network) accueillie par Paris, membre de ce réseau depuis 2011. Cette rencontre rentre également dans le cadre de Renvoyé Spécial Val-de-Marne subventionné par madame la Sénatrice Esther BENBASSA, inscrite au titre de la Réserve parlementaire au budget du Ministère de la Culture et est organisée en partenariat avec la Ville de Paris.

La journaliste bahreinie Nazeeha SAEED devant les élèves du lycée Champlain de Chennevières-sur-Marne le 6 février Photo © Margot Fellmann

Durant près de deux heures les élèves ont pu écouter puis échanger avec madame SAEED grâce à la traduction de madame DEPREZ, professeur d’anglais. Malgré la barrière de la langue, les jeunes ont posé leurs questions : des tortures subies au projets futurs, en passant pas les espoirs de retrouver sa famille et son pays, la journaliste a répondu sans détour. Difficile pourtant d’entrer dans les détails en présence de journalistes, car les souvenirs sont encore là, bien présents. Mais mettre des mots sur les violences subies est important. « Parfois quand on parle de torture, on imagine une gifle. Mais non, j’ai été battue, électrocutée… Et malgré la preuve médicale de ce que j’avais subi, la justice de mon pays a choisi de fermer les yeux » a-t-elle précisé. Nazeeha SAEED s’est vu refusée le renouvellement de sa carte de presse, puis elle a été interdite de voyager pour avoir exercé son métier sans autorisation du gouvernement. La fuite était pour elle synonyme de survie, mais aussi une condition nécessaire à la préservation de sa liberté d’expression.

Aujourd’hui, Nazeeha SAEED travaille à raconter son histoire, pour que son témoignage puisse faire progresser la liberté de la presse au Bahreïn. Elle a choisi de ne pas demander l’asile politique en France, car elle n’est pas prête, encore, à renoncer à son pays.

Nazeeha SAEED Photo © Margot Fellmann

Pourquoi est-il important de ramener ce témoignage dans un lycée ?

Renvoyé Spécial a pour objectif de permettre aux jeunes de prendre conscience de l’importance de se battre pour la liberté d’expression, que ce soit à travers le monde, au Bahreïn ou bien en France. Comme l’a relevé l’un d’entre eux, la MDJ a accueilli à plusieurs reprises des professionnels de l’information ressortissant de pays d’Europe du Sud et de l’Est. « La liberté d’expression et les journalistes ne sont pas en danger chez nous pourtant ! » a-t-il avancé. Ainsi, c’est l’occasion de rappeler des histoires comme celle de Daphne CARUNANA GALIZIA, journaliste maltaise, assassinée en octobre 2017, ou plus proche de nous, les attentats de Charlie Hebdo en janvier 2015.

 

Après la rencontre, les jeunes ont été invité à faire le bilan de cette rencontre :

« J’ai découvert un nouveau pays, un nouveau système politique et les risques énormes encourus par les journalistes bahreïnis. »

« C’est intéressant d’avoir l’opinion d’une personne en exil sans passer par des médias qui auraient pu modifier les informations. »

« La détermination de madame SAEED de continuer son métier est impressionnante. »

« Cela doit être dur d’arriver dans un pays qu’on ne connait pas, donc d’apprendre une nouvelle langue et de se faire des nouvelles connaissances. »

« Je me suis rendu compte que la liberté de la presse est très importante et qu’elle n’est pas donnée à tout le monde. »

« Ce qui m’a marqué c’est que la journaliste a été obligée de quitter son pays seulement pour des mots. »

« Ce témoignage nous montre que nous vivons dans de bonnes conditions contrairement à d’autres pays. »

« Je pense que ce n’est pas normal qu’il y ait aussi peu de liberté de la presse dans le monde et qu’aussi peu de journalistes puissent faire leur métier sans problème. »

« J’admire beaucoup les journalistes en exil, il ont beaucoup de courage et leur donne mon soutient. »

 

Revue de presse :

94citoyens.com, « Une journaliste réfugiée du Bahrein témoigne auprès des journalistes de Chennevières », publié le lundi 5 février par C.Dubois

leparisien.fr, « Chennevières : « Vous êtes vraiment chanceux de grandir dans ce pays », publié le mardi 6 février par Denis Courtine

Les 1er et 2 mars aura lieu la Convention nationale sur l’accueil et les migrations dans la ville de Grande-Synthe dans les Hauts-de-France. Plusieurs journalistes de la MDJ participeront à cet événement qui pose la question de l’accueil des réfugiés, une question qui s’impose dans le débat public et dans les réalités locales. La MDJ sera représentée dans ces débats par cinq journalistes en exil : Halgurd SAMAD (Kurdistan), Hicham MANSOURI, Abdessamad AIT AICHA (Maroc), Larbi GRAINE (Algérie), Makaila NGUEBLA (Tchad) et un journaliste turc. Ils incarneront les grands témoins des ateliers organisés durant la convention et partagerons leurs conclusions devant le grand public. Parmi les thématiques abordées : « (Re)penser les hospitalités », « Comment rassembler élu.e.s, citoyens et acteurs associatifs ? » ou encore « Entre la légalité et la légitimité à agir, comment assumer nos responsabilités collectives ? ».

La ville de Grande-Synthe au coeur de l’actualité ces dernières années a réuni de nombreuses associations et ONG pour échanger pendant deux jours avec notamment un panel important de personnalités :  Anne Hidalgo (Maire de Paris), Benjamin Stora (Historien, Professeur et Président de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration), Pascal Brice (Directeur Gral de l’OFPRA), Eric Piolle (Maire de Grenoble), Frederic Leturque (Maire d’Arras), Pierre Laurent (Secrétaire national du PCF) mais également Benoit Hamon, Aurélien Taché (Député LREM), Michel Agier (Dir. d’études à l’EHESS), Rony Brauman (co-fondateur de MSF) , Cédric Herrou, ainsi que des représentants du HCR, de la Cimade, de MDM et des associations locales.

Autour de la convention sera proposée une programmation culturelle et artistique.

Inscription en ligne. Pour en savoir plus sur l’événement, cliquez ici.

Mairie de Paris – 24 janvier 2018
Soirée organisée en l’honneur des journalistes exilés et réfugiés à la Maison des journalistes

« Merci à la Maire Madame Anne Hidalgo, à son adjoint, monsieur Patrick Klugman, pour cette agréable soirée, merci à la Directrice de la Maison des Journalistes Madame Darline Cothiére et à tout l’équipe de la Maison Des Journalistes. Et merci beaucoup à tous les invitées d’être venus ici.

Je m’appelle G.B. Je suis journaliste et réalisateur turc.

Je suis aussi demandeur d’asile politique depuis un an et demi. Je suis accueilli par la Maison des Journalistes depuis près de 5 mois. Ce soir, je suis très honoré de parler au nom des 13 autres résidents actuels de la MDJ.

Certaines nuits, surtout pendant l’hiver, quand je marche dans les rues de Paris, je regarde les fenêtres des bâtiments où les lumières jaunes et chaudes sortent vers le noir des nuits froides. J’imagine les familles heureuses qui passent de temps ensemble chez eux.

Je pense à ma famille, à mes proches et à mes amis. Je pense à ces moments de bonheur quand vous êtes ensemble avec vos proches. Et puis je marche vers ma lumière jaune et chaleureuse à Paris, je marche vers « La Maison des journalistes ».

Peut-être que pour vous la MDJ est seulement une association mais pour moi, c’est chez moi. Ce lieu que nous appelons entre nous, la Maison. C’est aussi ici que j’ai repris mon activité de journaliste. C’est là que je me prépare pour une nouvelle vie en attendant mon statut. C’est ma lumière jaune et chaude contre l’obscurité de la dictature.

Aujourd’hui, nous vivons des temps difficiles. Aux Etats-Unis, le président appelle les journalistes des ‘ennemies du peuple’. Donald Trump utilise le concept de “fake news” pour discréditer les informations qui le critiquent. Même en France, sous la présidence d’Emmanuel Macron, l’État essaye de créer une loi pour limiter et pour déterminer les frontières du journalisme en utilisant ce concept. Pourtant, je pense que ce n’est pas du tout le rôle de l’État.

En Turquie, un dictateur qui s’appelle Recep Tayyip Erdogan a mis plus de 150 journalistes en prison depuis 2016. Et chaque jour, d’autres sont emprisonnés.

Il y a trois jours, la journaliste Nurcan Baysal a été placée en garde à vue simplement pour avoir écrit sur les réseaux sociaux : “je suis contre la guerre”. Elle voulait critiquer l’opération d’Afrin menée par la Turquie au nord-ouest de la Syrie.

A Malte, la journaliste d’investigation, Daphne Caruana Galizia, qui a révélé les ‘Malta Files’, a été assassinée le 16 octobre 2017. Comme ça, sans peine. Et vous connaissez très bien la situation en Russie, en Chine ou encore en Syrie à cause de la guerre civile et la terreur instaurée par DAECH…

En tant que personnes qui croient en la liberté d’expression, nous passons donc des jours difficiles, nous le savons mais nous n’avons pas peur. Notre courage est au moins aussi grand que la lâcheté de ceux qui veulent nous faire taire. Nous savons qu’il y a encore beaucoup de chose à faire pour un monde plus libre, égalitaire et fraternel. C’est pour cette raison que nous allons continuer à travailler sans relâche.

La MDJ est une association unique au monde. Mais avec les gens qui croient en la nécessité de la liberté d’expression pour la démocratie, je pense que d’autres maisons pourront se bâtir dans le monde entier. Par exemple, en Grèce, qui accueille aujourd’hui bien plus de réfugiés que la France. Ou bien en Italie, en Allemagne, ou encore au Canada et aux États-Unis.

Dans tous ces pays, il y a des journalistes qui ont fui des persécutions de régimes autoritaires. Ils sont en difficulté. Je pense que l’État et la société française sont assez sensibles et motivés pour élargir les actions merveilleuses de MDJ.

La Maison des Journalistes mérite d’être beaucoup plus connue sur la scène internationale.

Je vous remercie beaucoup pour votre attention. Je vous souhaite une bonne soirée et un futur avec la liberté d’expression. »

Mercredi 31 janvier 2018, Rémy NGONO, journaliste et écrivain camerounais est parti à la rencontre des élèves du lycée Joliot-Curie de Dammarie-Les-Lys dans l’académie de Créteil, accompagné de Clara LE QUELLEC, bénévole à la MDJ. L’occasion pour ces lycéens de seconde bac pro, accompagnés de leur professeur de lettres/histoire-géo madame Léa AMBERT, d’échanger sur les valeurs fondamentales de la liberté d’expression, de la liberté de la presse mais également sur la douleur de l’exil.

Le journaliste camerounais Rémy NGONO intervient au lycée de Dammaries-les-Lys dans le cadre de Renvoyé Spécial Île-de-France qui met en avant les journalistes écrivains en exil. Photo © Clara LE QUELLEC

« Vous savez, on ne choisit jamais son exil ». Pendant deux heures, Rémy NGONO, ancien résident de la Maison des journalistes, a livré un témoignage poignant sur son parcours professionnel au Cameroun, la violence et les difficultés rencontrées face à l’oppression du pouvoir, l’épreuve de l’exil et sa nouvelle vie en France.

Véritable combattant pour la liberté d’expression, celui qui a été un temps journaliste pour la chaîne d’état camerounaise CRTV puis directeur et animateur de la Radio Télévision Siantou, a été menacé, interdit d’exercer sa profession puis forcé de quitter son pays en 2005. Son crime ? Avoir dénoncé dans son émission satirique « Coup franc » la mainmise du président Paul BIVA sur la société.

Jouissant d’une reconnaissance dans son pays pour avoir gagné le prix Cameroon Presse Awards et le prix du Comité de l’Excellence Africaine, il se fait remarquer, quelques temps plus tard après son arrivée en France, par la radio RFI qui lui propose alors de devenir consultant sportif. Une formidable opportunité de reconstruction mais aussi un challenge pour celui qui avait fait de la politique son cheval de bataille. « J’ai beaucoup lu et tout appris sur le sport, je n’y connaissais rien ». Parce qu’il aime manier le verbe et reste très attaché à son continent et à sa patrie camerounaise, il publie son premier livre « Comme le dit un proverbe africain » en 2010.

Aujourd’hui, Rémy Ngono fait partie d’une minorité de journalistes exilés pouvant continuer à vivre de leur passion et de leur métier. Travaillant sur l’écriture d’un nouveau livre, il reste un fervent défenseur de la liberté d’expression et de la liberté de la presse, deux valeurs fondamentales qu’il souhaite transmettre aux jeunes présents dans la salle. « Je suis venu en France pour les idées » répète t-il.

Le journaliste et écrivain a ensuite laissé la parole aux élèves pour un long temps d’échange et de nombreuses questions.

Quelques retours d’élèves émus par ce témoignage, concernés par la liberté de la presse et exprimant leur soutien aux journalistes exilés :

« J’ai été frappé par le courage de ce journaliste. Je le remercie de nous avoir accordé un peu de son temps. »

« J’ai beaucoup aimé son témoignage car il a tout dit sans retenue notamment sur la corruption en Afrique. »

« Je ne pensais pas que tant d’horreur était commise au Cameroun et je ne comprends pas qu’en France personne n’en parle. »

« La liberté de la presse dans une société est très importante car sans elle, un pays est comme emprisonné et donc on ne peut pas être en sécurité. »

« Je trouve qu’il y a vraiment un manque de considération de la part des gens envers les journalistes exilés. »

« Il faut que les pays qui les accueillent fassent plus attention à eux. »

« J’aimerais souhaiter bonne chance aux journalistes exilés, gardez la tête haute et le cœur rempli de courage ! »

« N’abandonnez pas votre combat, un jour cela changera ! »

« Merci Monsieur Ngono, je partagerai vos paroles là où je pourrais pour qu’elles touchent un grand nombre de personnes. »

 

Mairie de Paris – 24 janvier 2018
Soirée organisée en l’honneur des journalistes exilés et réfugiés à la Maison des journalistes

Mesdames Messieurs, chers amis, un grand salut chaleureux à vous tous. Au fond, c’est essentiellement pour cela que nous sommes là. Pour vous accueillir amis du bout du monde. Pour vous dire bienvenue !

Pour vous dire que nous sommes solidaires. Que nous savons que vous avez lutté pour faire ce métier magnifique, celui d’informer vos concitoyens, envers et contre tout. Que vous avez payé très cher pour avoir exigé ou appliqué ce qui devrait être un droit élémentaire. Que vous avez risqué votre vie. Et que vous avez du prendre la route de l’exil certainement pas de gaieté de cœur. En laissant famille, amis, culture, environnement, maisons, repères…Enfance.

Pour vous dire que votre combat est le notre. Comme le bâillon qu’on a voulu vous imposer serait le notre, nous journalistes français, européens qui devons rester vigilants sur nos propres droits et libertés.

Qui devons continuer d’exiger le droit d’enquêter librement sur tous les sujets ; le droit d’interpeller nos élus, nos administrations, toutes les autorités ; le droit de mettre notre nez dans les entreprises, aussi puissantes soient-elles ; le droit d’enquêter sur les organisations religieuses, quelques soient la religion ; le droit de les mettre en cause s’il le faut, et de les dénoncer si des droits éléments élémentaires sont violés ; le droit d’être insolents, ingrats, de poser toutes les questions qui dérangent, de soulever ou bousculer tous les dossiers que certains voudraient mettre sous le tapis ; le droit, dirait Albert Londres, de «porter la plume dans la plaie». Bref, le droit d’être, à fond, journalistes.

Nous sommes le pays des droits humains. Oui, moi, je dis les droits humains. Ou les droits de la personne, si vous voulez. Vos traducteurs auront peut-être un peu de mal à vous expliquer ce point qui n’est pas un détail, et que les subtilités de la langue française ou de l’histoire française compliquent inutilement.

Car les institutions françaises persistent à parler des droits de l’Homme. «Homme» avec une majuscule. «Homme» pris dans un sens neutre et universel. «Homme» signifiant humanité. Comme en 1789 nous dit-on. C’est oublier qu’en 1789, il n’y avait pas de majuscule, et que les femmes n’avaient aucun droit. Alors en ces temps où, enfin, on se préoccupe un peu plus du sort des femmes, de leurs droits, de leur force, de leur oppression souvent, de leur apport si précieux, si indispensable et si mal reconnu à la société, je trouve utile de prêter attention au vocabulaire et de parler des droits de la personne, c’est-à-dire équitablement des hommes et des femmes.

Oui, vous êtes aussi dans un pays de l’égalité des droits entre les deux sexes. L’égalité proclamée ; reconnue et défendue par la loi, ce qui n’est pas toujours le cas dans certains pays d’où vous venez. Alors, s’il vous plait, considérez ce fait comme une chance, comme une libération.

Deux femmes parmi vous viennent d’Afghanistan, et je trouve merveilleux que dans ce pays qui souffre tant, et qui abrite aussi une société patriarcale et phallocrate, des femmes audacieuses aient choisi de faire ce métier. Chapeau bas! Six parmi vous viennent de Syrie, et l’on sait combien les femmes paient un lourd tribu à la guerre, et combien la menace du viol est omniprésente. L’un d’entre vous vient d’Iraq, une autre vient du Zimbabwe, un autre de Guinée, un autre de Mauritanie, un autre de Turquie. Dans tous ces pays, il est périlleux d’être journaliste. Et il ne fait pas bon être femme. La France, doublement, doit être un juste refuge.

Chers amis, je vous souhaite le meilleur lors de votre séjour parmi nous. Vous n’êtes pas seuls. La Maison des journalistes, cette merveilleuse institution, unique au monde, a l’expérience de l’accueil, et fera tout pour vous aider. Merci Darline, Christian, Alberic. Et puis nous autres, la communauté des journalistes, sommes là, en cas de problème, en cas de solitude, en cas de blues. Solidaires oui. Et c’est pour moi un honneur, sachez-le, d’être la marraine de votre promotion.

Ce 24 février, qui fait de vous des «citoyens» de Paris, est un jour joyeux. C’est symbolique bien sur. Mais cela compte et cela nous oblige.

Alors au nom des Parisiens – que dis-je ? Des bretons, des auvergnats, des provençaux, nous venons de tous les coins de l’hexagone – je vous dis bravo ! Courage ! Bienvenue !

Annick Cojean, marraine de la promotion 2018, grand reporter au journal Le Monde et présidente du prix Albert Londres – Darline Cothière, directrice de la Maison des Journalistes