En parallèle des Assises annuelles de Tours en place depuis 2007, la profession s’est donné rendez-vous à Tunis. 800 professionnels de l’information dont 600 journalistes venus de 30 pays. Trois journées d’échanges sur le thème « Un journalisme utile aux citoyens? ». Le succès de la rencontre a dépassé les espérances et ce n’est pas par hasard.

Il y a quelques semaines, l’Oeil de la MDJ publiait un article sur la liberté d’informer dans le monde arabe. Le constat s’attardait sur la situation de la presse avant et après les révolutions du printemps arabe. Fort est de constater, les fortes disparités selon les pays. Si en Egypte, la liberté de la presse a perdu du terrain au profit de la censure, c’est l’inverse en Tunisie.

Selon Rached Cherif, journaliste au Courrier de l’Atlas qui se confiait à notre partenaire RFI : « Beaucoup de Tunisiens ont tendance à oublier comment on vivait avant la révolution. On avait un paysage médiatique extrêmement verrouillé. On est encore dans une phase de construction. Il y a un modèle économique, mais également éthique à trouver et nous sommes en plein dedans. Peut-être que ces Assises vont y contribuer. »


Une ambiance studieuse qui a abouti à une déclaration :

Les journalistes, les éditeurs et leurs organisations professionnelles, venus de trente pays de la Méditerranée, d’Europe et d’Afrique, rassemblés lors de la première édition des Assises Internationales du Journalisme de Tunis, lancent un appel solennel aux dirigeants politiques, aux responsables économiques, aux représentants des syndicats, des associations et à la société civile pour que la liberté d’expression et la liberté de la presse soient défendues dans leurs pays comme un bien fragile et précieux.

Le droit de chaque citoyen à une information de qualité est un droit fondamental, comme celui de boire une eau saine, de respirer un air non pollué. Les Etats doivent garantir le libre accès aux informations et données publiques.  Ils se félicitent en ce sens de la démarche initiée par RSF pour que la communauté des Etats s’engage à considérer la liberté d’expression comme un « bien commun » de l’humanité.

Cela passe par la reconnaissance dans tous les pays d’un véritable statut pour les journalistes ; d’un statut qui permette d’exercer notre métier librement et dignement. D’un soutien puissant aux écoles de journalisme pour qu’elles dispensent une formation de qualité tout au long de la vie. De la création de structures d’autorégulations qui garantissent l’indépendance des médias publics et privés, le respect des bonnes pratiques, une éthique et une déontologie au service des citoyens. Ils appellent les responsables de leurs pays enfin à mettre en place des politiques ambitieuses d’éducation à l’information. Bien s’informer, cela s’apprend.

Le journalisme n’a de sens que s’il est au service du citoyen. Les journalistes peuvent être critiqués, comme tous ceux qui ont le privilège d’intervenir dans le débat public. Cette critique est même nécessaire.

Mais aucun journaliste ne peut être inquiété, menacé, censuré, emprisonné, assassiné au seul titre qu’il est journaliste !

Il faut stopper les discours de haine contre les journalistes qui se propagent sur les deux rives de la Méditerranée. Ils salissent leurs auteurs. Ils abîment nos pays.

L’assassinat innommable de Jamal Kashoogi dans un consulat, tout comme les meurtres de journalistes par des Etats, des mouvements terroristes ou mafieux ne peuvent rester impunis. Les réels responsables de ces crimes doivent être jugés et justement condamnés.

Les arrestations arbitraires, les menaces qui ne cessent de se multiplier dans de trop nombreux pays doivent cesser. Les enquêtes sur la disparition de journalistes, comme celle sur nos deux confrères tunisiens Sofiene Chourabi et Nadir Ktari – dont nous sommes sans nouvelles depuis le 8 septembre 2014- doivent reprendre sans délais jusqu’à l’obtention de la vérité.

Les journalistes, les éditeurs et les citoyens rassemblés lors de la première édition des Assises Internationales du Journalisme de Tunis, en partenariat avec les Assises Internationales du Journalisme de Tours sur la rive Nord de la Méditerranée, s’engagent à poursuivre leurs échanges pour mettre en œuvre cet appel.

Ils se donnent rendez-vous en octobre 2020 pour la deuxième édition des Assises Internationales du Journalisme de Tunis, en lien avec la 49ème édition des Assises de l’Union de la presse francophone et toutes les organisations professionnelles tunisiennes.

A Tunis, le 17 Novembre 2018


Notons, qu’outre la Maison des journalistes, de nombreux partenaires avaient répondu à l’appel aux Assises du journalisme de Tunis : Le Syndicat National des Journalistes Tunisiens, La HAICA, Artcile 19, l’Association Tunisienne des Médias Alternatifs, Mena Media Monitoring. Toutes les ONG et bailleurs : Open Media Hub, CFI Médias, l’UNESCO, l’Agence Française de Développement, ICMPD, l’Union de la Presse Francophone, Reporters Sans Frontières, la Maison des Journalistes, la Fondation Hirondelle, l’Institut Français, Internews. Et les partenariats éditoriaux de l’Agence France-Presse, de France Media Monde, de la Télé et de la Radio Publiques Tunisiennes, de Mosaïque FM, de l’Institut de Presse et des Sciences de l’information, et de l’Ecole Publique de Journalisme de Tours.